Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/241

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KALIDASA. 233

Le fils d'Aja et d'Indumati, Daçaratha, roi d'Ayodhya (Oude), est un des meilleurs princes de cette race, où presque tous sont bons ; la peinture de tant de héros et de saints devien- drait monotone, si l'on pouvait se lasser du spectacle de la vertu. Les tableaux épisodiques se succèdent en foule : d'une description du printemps, très-développée, pleine de détails raffinés ou voluptueux, souvent dignes d'Ovide, de Thomp- son ou de Gessner, nous passons au récit d'une chasse vrai- ment indienne. Chèvres et boucs, cerfs et gazelles, sangliers farouches, taureaux sauvages, tombent sous les coups du jeune monarque : par malheur, un de ses traits a volé au hasard et frappé dans les taillis Yadjnadatta, fils d'un ermite vieux et aveugle, qui puisait de l'eau pour ses parents au fleuve voisin. Cet incident, qui avait été déjà raconté en vers pathétiques par l'auteur du Râmâyana, est indiqué par Kâlidàsa en quelques traits vifs et rapides :

Ayant suivi les traces d'une biche et perdu de vue son escorte, poussé à travers les bois par son cheval ruisselant d'écume, il ar- riva au fleuve Tamasa, dont les rives sont habitées par tant d'er- mites. Près de l'eau résonna un bruit clair et doux, celui d'un vase qu'on y remplissait; Daçaratha, le prenant pour le cri étouffé d'un éléphant, lança de ce côté une flèche qui y tomba en sifflant... « Hélas! mon père! » Telle fut la plainte qu'il entendit alors; il en chercha l'auteur, caché derrière les roseaux, et il aperçut, percé de sa flèche, le fils d'un religieux. Aussitôt, comme une autre flèche plus aiguë, le repentir déchira le cœur du roi. Le corps du jeune homme était penché sur son urne. Le noble prince, descen- dant de cheval, le questionnant sur sa naissance, apprit de lui qu'il devait le jour à un ermite. A sa prière, sans même avoir reti- ré le trait de son sein, il le conduisit vers ses parents aveugles et leur raconta le crime involontaire commis par lui sur leur fils uni- que. Après de longues lamentations, les deux époux ordonnèrent à l'homicide d'arracher lui-même la flèche de la poitrine de leur enfant qui soudain rendit l'âme. Alors le vieux père, arrosant ses mains de ses larmes, lança contre le roi cette malédiction : « Toi aussi, au déclin de l'âge, tu quitteras la vie en regrettant un fils! » Parlant ainsi, il ressemblait au serpent qui, foulé aux pieds, vomit son venin.

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