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254 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

enfant, qui folâtre avec des lionceaux et qui annonce les ins- tincts les plus héroïques : cet enfant est le sien : c'est Sarvada- mana, qui sera un jour célèbre sous le nom de Bharata. Sa- kuntala lui est également rendue ; elle passe d'un long et triste abandon à une félicité parfaite, et la pièce se termine par une sorte d'apothéose.

La ressemblance de ce drame avec Vikramorvaçi est telle, il y a des deux côtés tant d'incidents merveilleux et de détails poétiques, tant de douceur avec un peu de mignardise, tant d'éclat avec un peu de surabondance et de diffusion, que nous avons du nous contenter d'esquisser l'intrigue de Sakuntala, sans y insister par une trop longue analyse. Sauf de nouvelles découvertes, cette tragi-comédie est certainement la meilleure inspiration de la poésie dramatique des Indiens; l'auteur, capable de composer un tel ouvrage, était très-supérieur aux écrivains vulgaires. La connaissance du cœur humain, le jeu et les nuances des passions, une philosophie calme et douce, une gaîté spirituelle et réservée, une aisance de style et une fécondité d'imagination incontestables : telles sont les qualités que Kâlidàsa y a déployées, et que son autre drame, ses deux petits poèmes épiques et son élégie du Mégha-Dûta ré- vélaient pareillement, quoiqu'à un moindre degré. Nous l'a- vons dit, il a les défauts de ses qualités : une subtilité digne d'un rhéteur, une coquetterie presque féminine dans sa dic- tion, de la puérilité dans certains détails, trop d'antithèses et d'hyperboles. Malgré ces vices brillants, qui sont communs à presque toute la poésie orientale, Kâlidàsa mérite d'être plus étudié qu'il ne l'est. Il y a autant d'utilité que d'agré- ment à s'occuper du poétique représentant d'un pays si loin- tain, d'un âge relativement si antique, d'une race jadis si grande et qui commence seulement à sortir de l'abîme où l'ont plongée tant de siècles d'esclavage. A une époque où l'on se plaint de toutes parts et sur tous les tons que la vraie poésie est morte autour de nous, que la,froide prose envahit pas à pas notre société, nos idées et nos mœurs, que l'idéal se

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