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LE THÉÂTRE INDIEN. 4(59

énergique et sombre. La diction des auteurs les plus anciens et les meilleurs était d'une remarquable abondance et, en même temps, très-intelligible; chez' les écrivains postérieurs et secondaires, elle devint prétentieuse et pédantesque, em- brouillée et obscure. De même que dans les drames de Shakes- peare, le dialogue était fréquemment en prose; mais, par une invraisemblance qui était acceptée de tous, lorsque le person- nage semblait s'animer et s'exalter, dans les réflexions, les digressions, les descriptions, on recourait aux vers de toutes longueurs et de toutes mesures; et Dieu sait^si la prosodie hindoue en est prodigue! Nous avons expliqué qu'on employait alternativement le sanscrit et le pràcrit (comme qui dirait le grec et le romaïque, le latin et l'italien, l'arabe littéral et l'arabe vulgaire), selon la condition des types représentés : le sanscrit, pour les héros et leurs principaux auxiliaires ; le prà- crit, pour les femmes et pour les rôles de deuxième ou de troisième ordre. Encore le pràcrit comprenait-il plusieurs dia- lectes usuels, qui variaient suivant qu'il s'agissait de donner la parole à une princesse ou à une servante, à un seigneur ou à un marchand, à un bouffon ou à un berger, aux hommes du Nord ou à ceux du Midi, aux paysans de la plaine ou aux chasseurs de la montagne, voire même aux démons et aux mauvais génies : chacun avait son langage, approprié à sa nature. Si ces principes eussent été appliqués à la rigueur, une œuvre dramatique aurait tenu aisément lieu d'un cours de philologie comparée; mais il faut espérer qu'en réalité on se contentait à moins.

Nous ne nous étendrons pas sur ce qui concerne la partie matérielle du théâtre indien, par la raison qu'on est fort mal édifié sur ce point ; tout porte à croire qu'en cela il ressem- blait infiniment aux scènes européennes, telles qu'elles étaient constituées pendant la phase originelle de leurs débuts. On ne croit pas que les Indiens eussent autrefois des théâtres fixes et permanents: ils jouaient dans quelque salle de palais ou en plein air à l'abri d'une simple toile, dans un hangar dis-

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