Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/291

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par la prendre pour un voleur, un fantôme ou un démon : car l’intrépidité n’est pas son fait; elle n’est pas moins effrayée. Quand il la reconnaît, il se persuade naïvement qu’elle accourt au devant de lui, et il se jette à genoux, en lâchant un llux d’absurdes galanteries ; mais elle le repousse du pied, et lui, qui est aussi féroce que poltron, il la tire violemment de la voiture et ordonne à son vita et à son cocher de la tuer sans rémission. Les braves gens refusent et luttent même contre lui; il les éloigne hypo- critement, se jette sur elle et l’étrangle, puisqu’elle a l’im- pudence de ne pas l’adorer. Elle pourrait crier et appeler au secours; mais les convenances, rigoureusement observées même par les courtisanes, s’y opposaient absolument : elle chancelle en prononçant le nom chéri de Tchàroudatla. Le précepteur, dès qu’il revient, voit la victime sur le sol : hon- Leux de la conduite de son maître, il pleure tant de mérites et d’attraits, détruits par une fin prématurée. Il rougirait d’obéir plus longtemps à un assassin ; il repousse les présents dont l’autre essaie de le combler afin de l’adoucir; il l’écarté de la pointe de son épée. 11 le maudit avec une généreuse indi- gnation et, comme désormais il n’aurait plus de sécurité à la cour, il s’enfuit, se décidant à se rallier au pâtre Aryaka, le grand redresseur de torts, autour duquel se réunissent tous ceux qui ont à se plaindre de l’oppression. Samsthânaka, encore plus stupide que méchant, perd la tête ; il renvoie son cocher en tentant de le corrompre; il couvre de feuilles le cadavre de Vasantasénà et se sauve, à moitié fou, en esca- ladant une muraille. Le mendiant, qui traversait de nouveau la promenade, s’assied près du tas de feuilles pour se reposer ; il entend un soupir qui s’en exhale; il aperçoit une main qui s’agite; il découvre le corps: c’est celui de la dame, qui récemment l’a sauvé en payant ses dettes de jeu. Il lui apporte de l’eau; il l’éventé avec son vêtement; il ne la touche pas même du doigt (cari! est défendu aux Bouddhistes d’affronter, si peu que ce soit, le contact d’une femme) : mais il lui tend