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296 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

l'Orient primitif se préoccupaient extrêmement des opinions et des préjugés populaires. Sitâ, quoique enceinte, est con- damnée à l'exil : cette émule de Rhéa Sylvia, au moment où, désespérée, elle allait se noyer dans le Gange, a enfanté un autre Romulus et un autre Rémus, Gousa et Lava ; Gangâ, la déesse du fleuve, les a reçus entre ses bras et les a portés au divin poète Vàlmîki, lequel les a recueillis dans son ermitage. Au bout de douze ans, nous revoyons la pauvre Sîtâ, protégée par des nymphes, et l'infortuné Râma, mal consolé par une glorieuse suite d'exploits : ils se rencontrent, vieillis et at- tristés; mais, ce qui est passablement singulier, c'est qu'ils pensent être le jouet d'un rêve trompeur, d'une illusion sur- naturelle, et c'est à peine s'ils se parlent. Dans la demeure de Vâlmîki, le drame nous montre deux vieillards, Djanaka,le père de Si ta, et Kôsalyà, la mère de Ràma, que l'ermite a mandés à l'occasion d'un sacrifice solennel. La vieille reine, en présence du vieux roi, interroge Lava qu'elle ignore être son petit-fils ; elle est charmée de son intelligence précoce et des réponses qu'il lui fait, ainsi que l'Ion d'Euripide ou l'Eliacin de Racine. La scène qui suit est assez curieuse : Lava et plusieurs de ses camarades (car l'ermite dirige en quelque sorte un petit pensionnat) vont assister à la cérémonie de Yaçvamédha, que l'illustre Râma et toute son armée sont en train d'accom- plir. Bon sang ne peut mentir: l'enfant royal, quoiqu'il ne devine guère sa haute naissance, se prend de querelle avec les soldats et les endort au moyen de procédés magiques qui lui ont été transmis ; il défie même Tchandrakétou, son jeune cousin, qui les conduisait, et ces deux adolescents en viennent aux mains ensemble : ce duel étrange, qui évidemment n'avait pas lieu sur le théâtre, est raconté par des génies aériens qui sont censés le regarder du haut de leurs chars. Lava lance successivement à son adversaire les traits merveilleux de l'eau, du feu et du vent : puis, l'un et l'autre reparaissent, intime- ment liés, à l'instar des combattants homériques. Râma les accompagne, admirant également son neveu et l'inconnu, et,

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