Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/79

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rassemblent sur les sommets du Mérou, et jurent de remuer l’Océan jusqu’en ses profondeurs, afin d’en extraire toutes les richesses qui y ont été enfouies sous les eaux du déluge. Ils transforment en bâton le pic du mont Mandara, y attachent, en guise de corde, le serpent royal Vâsouki, et ils s’en servent pour battre la mer, de même que des ménagères battent le lait qu’elles veulent convertir en beurre. Tous se mettent à l’œuvre et, après de longs et pénibles efforts, ils en font sortir Soma (ou la lune). Lakshmi (ou la Fortune), un joyau, un cheval et un éléphant merveilleux, et enfin l’ambroisie (amrita), qui a la vertu de rendre immortel. C’est au sujet de ce céleste breuvage que les divinités rivales s’entre-choquent dans la plus formidable des batailles :

Alors eut lieu, près de l’Océan, un grand combat, le plus terrible de tous, entre les Souras et les Asouras ; des javelots dentelés, acérés, énormes, tombèrent par milliers, ainsi que des lames aiguisées et diverses armes. Les Asouras, que mutilaient les disques d’airain, vomirent du sang en abondance ; blessés et meurtris par les glaives, les piques, les massues, ils tombèrent sur le sol ; tranchées par de redoutables haches, leurs têtes roulaient sans cesse. Tués, couverts de sang, ils gisaient, pareils à des crêtes de montagnes que rougit l’éclat des métaux. Il y eut d’innombrables cris poussés par les combattants, qui se frappaient les uns les autres ; le soleil était ensanglanté. Dans cette mêlée, où l’on s’attaquait mutuellement avec des épieux ferrés et aigus, et, de plus près, avec les poings, il s’éleva un bruit qui monta vers le firmament : « Coupe, tranche, cours, marche, avance ! » Telles sont les exclamations furieuses qu’on entend de tous les côtés.

Le bon principe triomphe, mais le mauvais n’est pas détruit : les Souras restent maîtres de l’ambroisie, qu’ils cachent avec soin et dont ils confient le dépôt à Wishnou, et les Asouras se plongent de nouveau au sein de leurs ténébreuses retraites. Des luttes du même genre, mais racontées avec une prolixité qui en rend l’analyse à peu près impossible, sont celles que Garouda, vautour d’airain, issu de Vinatâ, soutint contre Vâsouki et toute la famille des serpents, dont