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LE PARNASSE

Le moins hellénisant des Parnassiens, Glatigny, en représentation à Hambourg, écrit à Leconte de Lisle cette lettre touchante, et documentaire : « j’ai acheté un petit buste d’Homère pareil à celui que vous avez, et tous les samedis je le mets sur la commode… Vos livres aimés que je place autour me rappellent nos chères réunions de chaque semaine. Il me manque votre portrait ». Mais le photographe Carjat doit en avoir encore : « Soyez assez bon pour en filouter un que vous m’enverrez[1] ». Même à distance, le Maître hellénisant exerce une influence presque hallucinante : Barrès, dans un voyage au pays du Levant, visite Daphné, « le lieu saint où l’Antioche païenne honorait Apollon et les Muses… J’admire avec ravissement le génie des Hellènes. Mais c’est trop peu que mon hommage. J’apporte au Dieu les dévotions de mes vieux maîtres, les Louis Ménard, les Leconte de Lisle, que je sens qui m’accompagnent[2] ».

Amoureux de la clarté du génie grec et du soleil de l’Attique, ce fils de l’île lumineuse peint les splendeurs de l’Orient ; puis, rehaussant par le contraste ces couleurs vibrantes, il nous présente un Occident assombri[3].


CHAPITRE IV
Les Poèmes Barbares

D’où vient cette sombreur ? Est-ce une simple antithèse à la Victor Hugo, une opposition de noir et de blanc pour obtenir un effet artistique ? Peut-être ; mais cela procède aussi, je pense, d’un assombrissement philosophique dans l’esprit du poète : un nuage noir de pessimisme monte de plus en plus à l’horizon de sa pensée.

Puis il est entraîné vers la poésie Scandinave par un mouvement général : il y a alors en France tout un élan vers le Nord à la suite d’Ozanam, d’Edgar Quinet et d’Ampère[4]. Naturellement les sour-

  1. Dornis, Essai, p. 329.
  2. R. D. D.-M., 15 septembre 1923, p. 250-251.
  3. Benedetto, Mélanges Picot, II, 285.
  4. Estève, Leconte de Lisle, p. 101.