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HISTOIRE DU PARNASSE

Enfin, dernière raison pour quitter le Parnasse, il va, si bizarre que cela paraisse au premier abord, fonder une nouvelle école : l’école de l’émotion, non plus lamartinienne, mais réaliste. Au banquet Gabriel Vicaire, le 2 février 1892, il porte un toast, qui est une profession de foi, et une déclaration de guerre aux Parnassiens comme aux décadents : « Vous croyez, — et moi aussi, — que les lois du rythme et de l’harmonie, établies par des siècles d’efforts, ont encore du bon ; vous croyez, — et moi aussi, — que les vers ne sont pas une langue mystérieuse et seulement fabriquée pour quelques mandarins… Nous resterons fidèles, vous et moi, à notre idéal, qui n’exclut pas, certes, la musique et le rêve de la poésie, mais qui réclame aussi pour elle le droit à la pensée, et surtout le droit à l’émotion, à la divine émotion[1] ». Zola marque le coup : il constate que Coppée combat victorieusement la doctrine de l’impassibilité, qu’il est en réaction contre l’évolution parnassienne ; que Mendès et ses amis ont réchauffé dans leur sein un dissident, un naturaliste[2]. Edmond de Goncourt devine lui aussi, et même le premier, que l’auteur des Humbles va au réalisme : « l’un et l’autre, vous en vers, moi en humble prose, cherchons à dégager la poésie secrète… des êtres et des choses déclarés essentiellement prosaïques. Le Petit Épicier, sous sa forme douceâtre, me semble assez révolutionnaire dans ce genre[3] ». C’est encore ce que lui écrit Francis Jammes, qui tient pour la simplicité en littérature, et qui le félicite de « son style anti parnassien. — Oui ![4] » Résolument il avoue Coppée comme son maître : il trouve touchantes les Intimités, les Humbles, « pour lesquelles j’ai un goût aussi vif que je l’ai peu prononcé pour ses odes grandiloquentes et son théâtre, Le Passant mis à part. Les Parnassiens et les symbolistes ont été injustes pour lui. Quant à moi, je me réclame de son école, qui ne pense pas que les manifestations les plus pauvres de la vie soient les moins élevées et les moins dignes d’être chantées[5] ».

Fonder une école en face du Parnasse, c’était un crime de lèsemajesté, aux yeux des fidèles du Maître. Mais pouvaient-ils y croire ? L’école de Coppée ! Est-ce que cela pouvait exister ? Et puis, dissident en théorie et en pratique, Coppée ne reste-t-il pas un des amis

  1. Monval, Correspondant du 25 novembre 1925, p. 594.
  2. Documents Littéraires, p. 180.
  3. J. Monval, Revue Hebdomadaire, 31 août 1912, p. 654-655.
  4. Mémoires, III, 73-74 ; Monval, ibid., p. 654-655.
  5. Mémoires, II, 217.