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XLIII
INTRODUCTION

Il faut aller entendre réciter cela pour comprendre la nécessité de la réaction parnassienne ; ce fut un mouvement de pudeur[1] ». Ce sont là propos de luttes littéraires, qui sentent la poudre. La bataille une fois finie, et gagnée par le Parnasse, un Parnassien explique la manœuvre, avec équité : Coppée recevant Heredia à l’Académie, résume les exploits de leurs camarades, et les fautes de leurs ennemis : « Était-il possible à ces ouvriers de la dernière heure d’aller plus loin dans l’idéal que Lamartine, dans l’imagination que V. Hugo, dans la passion qu’Alfred de Musset ? Non, certes. Mais le génie n’a pas toujours le temps ni la patience de concentrer son effort et de le diriger vers la perfection absolue. Et Lamartine est souvent bien vague, Hugo bien obscur, Musset bien négligé. Les poètes des générations suivantes, Gautier, Banville, Baudelaire, Leconte de Lisle, et après eux les Parnassiens, leurs disciples, désespérant d’atteindre jusqu’aux sommets quelquefois voilés de brume, se sont arrêtés à mi-côte, dans une région moins sublime sans doute, mais toujours baignée de clarté[2] ».

III

C’est par trois générations successives que s’accomplit l’ascension parnassienne, si nous mettons à part l’ancêtre de l’École, Théo, qui est de 1811. Dans une période de cinq ans nous voyons monter la première génération, Leconte de Lisle né en 1818, Baudelaire et Louis Bouilhet en 1821, Ménard en 1822, Théodore de Banville en 1823. La seconde génération, la plus nombreuse, nous donne en sept ans une douzaine de poètes : en 1838, Armand Silvestre et Dierx ; en 1839, Sully-Prudhomme et Glatigny ; en 1840, Cazalis ; en 1842-43, la grande promotion, Heredia, Coppée, Mallarmé, Catulle Mendès et Xavier de Ricard ; en 1844, Anatole France et Verlaine. Enfin, apparaissent les épigones, Jean Aicard en 1848, Frédéric Plessis en 1851, Paul Bourget en 1852. Ce sont les plus jeunes de la bande ; le groupe tout entier donne une impression de jeunesse : en 1866, à l’apparition du premier Parnasse Contemporain qui vaut à l’École sa consécration officielle et comme son état civil,

  1. Promenades littéraires, II, 53-54.
  2. Le Temps du 31 mai 1895.