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LA PRÉFACE DE CROMWELL

la poésie moderne. Le Paradis perdu est un drame avant d’être une épopée. C’est, on le sait, sous la première de ces formes qu’il s’était présenté d’abord à l’imagination du poète, et qu’il reste toujours imprimé dans la mémoire du lecteur, tant l’ancienne charpente dramatique est encore saillante sous l’édifice épique de Milton (1) ! Lors-

(1) Hugo emprunte cette anecdote soit à Villemain (article Milton, dans la Biographie universelle de Michaud, 1821), soit plutôt à Voltaire, Essai sur la poésie épique : « Miiton, voyageant en Italie dans sa jeunesse, vit représenter à Milan une comédie intitulée A damou le péché originel, écrite par un certain Andreino… Milton conçut le dessein de faire une tragédie de la farce d’Andreino : il en composa même un acte et demi… La tragédie de Milton commençait par le monologue de Satan, qu’on voit dans le quatrième chant de son poème épique, etc. » (Beuchot, X, 475-478. — Cf. The life of Milton, by the révérend John Mitford, dans The poetical worksof John Milton, I, lxxii, Âldine édition. ) Il est naturel de rapprocher de ce passage un article paru dans la Muse française (2e livraison, mai 1824), sur Eloa ou la sœur àté Anges, mystère par le comte Alfred de Vigny, et reproduit plus tard dans Littérature et philosophie mêlées (1, 28t>-287), avec quelques variantes qui transforment le panégyrique d’Eloa en éloge du Paradis perdu. Voici le texte de la Muse française : « Si jamais composition littéraire a profondément porté l’empreinte ineffaçable de la méditation et de l’inspiration, c’est ce poème. Une idée morale qui touche à la fois aux deux natures de l’homme ; une leçon terrible donnée en vers enchanteurs ; une des plus hautes vérités de la religion et de la philosophie, développée dans une des plus belles fictions de la poésie ; l’échelle entière de la création parcourue depuis le degré le plus élevé jusqu’au degré le plus bas ; une action qui commence par Jésus et se termine par Satan ; la Sœur des Anges entraînée par la curiosité, la compassion et l’imprudence jusqu’au prince des réprouvés ; voilà ce que présente Eloa, drame simple et immense, dont tous les ressorts sont des sentiments. » Déjà Chateaubriand