Page:Souvenirs d'enfance de Sophie Kovalewsky.djvu/218

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une année d’études chez weiertstrass.

lu rive opposée, d’où ils se glissèrent dans la ville sans attirer l’attention. C’est ainsi qu’ils se trouvèrent à Paris au début de la Commune

Sophie avait l’intention de décrire ses impressions sur cette époque dans un roman intitulé « Les sœurs Rajevsky pendant la Commune ». Ce projet, comme tant d’autres, descendit avec elle dans la tombe. Elle voulait raconter une nuit dans une ambulance, où sa sœur et elle tirent le service des blessés, avec des jeunes filles rencontrées jadis à Pétersbourg, et qu’elles retrouvèrent là. Pendant que les bombes éclataient de toutes parts, que de nouveaux blessés arrivaient sans cesse, les jeunes filles causaient à voix basse de leur vie passée, si différente de cette heure présente qui leur semblait tenir du rêve. N’était-ce vraiment pas un rêve, une espèce de féerie pour Sophie, que l’étrange situation où elle se trouvait ? À son âge, les phénomènes bizarres, les péripéties émouvantes dont elle était témoin, lui produisaient l’effet d’un roman à sensation. Les bombes tombaient autour d’elle sans lui causer aucune frayeur ; au contraire, son cœur battait de joie à l’idée de vivre en plein drame, en pleine histoire.

Quant à sa sœur, elle ne pouvait l’aider en rien. Àniouta se passionnait pour les agitations politiques, et ne demandait qu’à risquer sa vie à côté de l’homme auquel sa destinée était liée. Les Kovalewsky retournèrent donc à Berlin, où Sophie reprit le cours de ses études. Mais lorsque la Commune fut vaincue, Aniouta écrivit à sa sœur pour la supplier de revenir,