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sophie kovalewsky.

une Suédoise est fatiguée ou de mauvaise humeur, elle boude, se tait, et la mauvaise humeur rentrée tourne parfois au mal chronique. Une Russe, au contraire, se plaint et gémit si fort, qu’au point de vue moral l’effet de ces gémissements ressemble à celui du tilleul pour un rhume. Au reste il faut que je vous dise que je ne gémis et me plains que lorsque j’ai un peu mal ; quand je souffre beaucoup, je me tais aussi, et personne ne peut remarquer alors combien je suis désespérée. Quant à mes reproches sur votre optimisme, pour rien au monde je ne voudrais vous en corriger, ce défaut-là vous va trop bien ; la plus belle preuve que vous m’en donniez est la bonne opinion que vous avez toujours eue de moi. Vous ne sauriez croire combien peu j’ai envie de vous corriger… »


Peu après, Sophie partit pour la Russie, où elle passa l’été, en partie à Pétersbourg avec sa sœur malade, et en partie à Moscou, auprès de son amie et de sa petite fille. Je cite quelques lettres écrites à cette époque, elles ne contiennent rien de très saillant, car elle n’aimait pas à écrire, et notre correspondance n’a jamais été très animée, mais elles contiennent cependant des fragments de l’histoire de sa vie, et sont quelquefois, sous leur forme condensée, très caractéristiques de sa disposition d’esprit du moment ; elles contribuent donc sous tous les rapports à la dépeindre.

J’étais en Suisse avec mon frère, et l’avais engagée