Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/126

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Celles-ci différaient complètement de tout ce que le jeune homme avait vu jusqu’alors. Pour les grandes avenues, le chou colossal tenait lieu de marronniers fleuris, et des quinconces de laitues arborescentes remplaçaient les bosquets d’acacias et de tilleuls parfumés. Quant aux fleurs, on y avait substitué des cultures de tabac, de riz et d’indigo.

M. le Doux fit remarquer à Maurice cet heureux changement.

— Vous le voyez, dit-il, grâce aux efforts des économistes et des philanthropes, le monde a tellement changé de face, que Dieu lui-même aurait peine à le reconnaître. Tout ce qui n’était pour la terre qu’une vaine parure a disparu ; les légumineux perfectionnés et agrandis forment aujourd’hui la base de notre système forestier. À vos chênes ridicules, qui ne produisaient que des glands, on a substitué la betterave-monstre ; à vos rosiers, dont le parfumeur seul tirait parti, le bois de réglisse et les radis améliorés. Tout s’est ainsi trouvé ramené aux besoins de l’homme, qui a réduit la création aux proportions de son estomac.

Maurice ne répondit rien ; son attention, d’abord absorbée par les plantations, venait de se tourner sur certaines femmes, qui suivaient une allée d’artichauts gigantesques, à l’entrée de laquelle se lisait cette inscription :

AVENUE DU MARIAGE.

Chaque promeneuse était enveloppée d’une écharpe portant son adresse et le chiffre de sa dot.

L’allée aboutissait à une vaste rotonde, incessamment assiégée par la foule. C’était la grande agence matrimo-