Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/232

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tectes fit graver sur le socle une inscription triomphale, comme s’il eût accompli une œuvre miraculeuse. De plus, leurs flottes n’étaient composées que de trirèmes, ainsi que le prouve la médaille frappée en commémoration de la victoire de Navarin.

« Un débris de borne-fontaine récemment recueilli offre pourtant, en bas-relief, la représentation d’un vaisseau particulier. Il est surmonté de quatre mâts, dont l’un est planté hors de l’axe du navire, et porte le beaupré à l’arrière, ce qui, selon l’observation d’un homme d’esprit, le fait ressembler à un cheval bridé par la queue. Le vent enfle sa voile vers la poupe, ce qui ne l’empêche pas de fendre l’onde avec la proue, à peu près comme une brouette qui marcherait en avant à mesure qu’on la pousserait en arrière !

« Or, comment supposer qu’un navire aussi contraire à toutes les lois de la statique eût été gravé sur un monument public, si la France du dix-neuvième siècle eût connu ces lois ? Un peuple ne se calomnie pas lui-même ; quand la science l’éclaire, il ne laisse pas imprimer sur le fer et sur le granit de faux témoignages de son ignorance, surtout quand il a un ministère des travaux publics, un préfet de la Seine et un directeur des beaux-arts. Nous ne parlons pas du ministre de la marine, sans doute trop occupé des navires qui flottaient sur l’eau salée pour songer à ceux qu’on gravait sur les fontaines d’eau douce.

« Il faut donc reconnaître, messieurs, que la France du dix-neuvième siècle fut ignorante. Quant à sa gloire militaire, je doute que l’on puisse encore en parler sérieusement après les travaux de notre illustre collègue Mithophone. Ils ont prouvé jusqu’à l’évidence que les expédi-