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la faveur de leur silence ! Malheureusement, telle n’est point notre position. Chargé d’une mission publique, nous devons à nos commettants, nous nous devons à nous-même de déclarer notre pensée tout entière. Longtemps nous avons attendu dans l’espoir que les faits éclaireraient ceux qui nous gouvernent, mais notre attente a été vaine, la prolonger est impossible. Le salut de la république doit être la grande loi, et, nous le déclarons hautement, la main sur le cœur, le moment est venu de la perdre ou de la sauver.

Murmures au centre ; applaudissements aux extrémités ; longue agitation ; l’orateur boit un verre d’eau sucrée.

« Oui, messieurs, jamais la situation ne fut plus inquiétante pour le présent, plus dangereuse pour l’avenir !

« Que nous regardions à l’intérieur ou à l’extérieur, tout nous épouvante également. La république nous fait l’effet d’une machine conduite par des mains inhabiles, et qui, contrariée dans ses mouvements, s’ébranle, fait crier ses rouages et menace d’éclater !

Profonde sensation.

« Et c’est dans une pareille situation qu’on parle d’imposer à la nation de nouvelles charges ! On nous demande un crédit de deux cents millions, en répétant que c’est un vote de confiance. De confiance, soit, messieurs ; mais voyons d’abord si l’on a fait quelque chose pour la mériter.

Mouvements en sens divers. L’orateur, qui va s’échauffant, boit un second verre d’eau sucrée.

« Je pourrais multiplier les critiques, messieurs, mais je veux faire preuve de modération. Je ne reviendrai point sur ce qui a été tant de fois et si justement reproché au pouvoir ; je me contenterai d’examiner un seul de ses actes, le plus récent. Il suffira, d’ailleurs, pour nous donner la mesure de l’habileté, du tact et de la justice des hommes qui sont à la tête du gouvernement !

« Quand je parle ainsi, messieurs, vous comprenez que mes attaques s’adressent à ceux qui peuvent me répondre, aux ministres ici présents, seuls répréhensibles et responsables. Il est un nom qui doit rester en dehors de toutes nos discussions ; mes remarques ne peuvent donc franchir la sphère inviolable où le chef de l’État demeure, quoi qu’il arrive, calme et impeccable.

Approbation générale.

« Mais les agents de son administration sont soumis à notre surveillance, et la constitution nous permet d’apprécier leurs actes.

L’attention redouble.