Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/344

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lancés jusqu’aux nuages, en soutiraient perpétuellement l’électricité au profit des doreurs, des entreprises d’omnibus galvaniques et de la société pour l’éclairage. Sous chaque rue s’étendait une autre rue, le long de laquelle rampaient, comme d’immenses boas, les mille tuyaux de fer chargés de distribuer partout l’eau, la chaleur, la lumière. Le jeune homme entendait bruire sous ses pieds les voix des travailleurs mêlées au grondement du vent, au clapotement des cloaques, aux grincements des outils et aux lueurs des flammes. C’était comme une seconde cité souterraine, où s’élaborait la vie de la cité éclairée par le soleil ; un organe caché qui, tour à tour, lui apportait la force et la délivrait de ses impuretés.

Maurice regardait toutes ces merveilles de la civilisation avec une surprise mêlée de désappointement. Au milieu de tant de perfectionnements apportés à la matière, il cherchait l’homme et le voyait aussi pauvre, aussi vicieux, aussi déshérité ! Il demandait en vain à tous ces visages qui passaient sous ses yeux si la vie leur était devenue plus légère à porter ; les visages restaient fatigués de souffrances ou soucieux d’incertitude ! Alors, un flot d’amertume montait de son cœur à son cerveau. Il se demandait à quoi bon tous ces efforts d’industrie, si la part de bonheur n’était point plus large pour chacun ; il cherchait ce qu’étaient devenues l’égalité et la fraternité humaines au milieu de ces miracles de calcul, il regardait où avait pu fuir la religion véritable, celle qui relie les hommes l’un à l’autre, et qui conduit au ciel par la double échelle de l’amour et du dévouement.

Or, dans ce moment même, ses yeux s’arrêtèrent sur le fronton d’un édifice où il aperçut écrit en lettres de bronze : Église nationale. Il entra.