Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

symbolistes qui sema beaucoup d’idées esthétiques fécondes, M. Édouard Dujardin, se réclamait de Musset en tête de ses poésies. On peut juger du dernier aboutissement de cette union dans un poème admirable de Jehan Rictus, en langue populaire parisienne, Le Revenant, qui est célèbre et que sans pudeur, sous le titre de Le roi sans couronne, un « naturiste » vient de délayer et de fausser en quelques actes forcenés. — Le caractère d’universalité de la poésie symboliste rend plus intense sa force d’action personnelle et directe.

Cliché V. — Tout cela fait du réalisme bien compliqué. Ce réalisme-là a encore quelque chose d’artificiel pour les vrais sentimentaux, ceux qui composent la grande phalange poétique et qui ne veulent point que des imaginations traversent leurs souffrances ou leurs joies. Le « par delà » dépasse moins les choses qu’il ne les dépasse eux-mêmes. Ils n’en ont aucun besoin. Ils sentent simplement dans leur cœur et dans leur chair. Personnelle, mais subordonnée, tandis que la muse verlainienne ramène toujours à elle seule les éléments de son décor, leur action est avant tout soumise ; il n’y a point de sincérité pour eux sans soumission ; il s’agit de s’abandonner à la nature comme dans un pré qu’on fane, de se rouler dans les herbes chaudes. Une poésie qui ne les satisfait point se prive de la moitié de ses forces.

Réponse. — Vous voulez dire que l’accent personnel doit se soumettre à la vérité, que les poètes ne se conçoivent plus que sincères, et que pour la profondeur même de leur émotion leur exaltation vers la beauté ne doit point déformer la nature, sentie, embrassée pour elle-même. Or un jeune écrivain vient de prouver dans un remarquable Essai sur le symbolisme que les symbolistes étaient les seuls poètes vrais, parce