Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

témoignent-ils aujourd’hui d’une lutte constante contre leur dangereuse facilité.

On peut toujours méconnaître la volonté de l’auteur, mais sans avoir le droit d’infirmer de cette méconnaissance la justesse de ses moyens. Et il n’y a pas d’autre moyen pour distribuer les figures dans le temps que de le ponctuer, par l’accent d’abord, par les sons ensuite et enfin par les signes, avec leurs procédés graphiques d’intellection inséparables, parties intégrantes de l’expression même. Il n’est donc pas d’expression d’art, serait-elle formée des plus mécaniques éléments, qui ne soit intimement liée à la direction de l’artiste ; et pour les arts auditifs, ne pas s’y soumettre est détruire l’œuvre. Car il tombe de soi qu’une œuvre de mouvement n’est pas fixe, qu’il n’y a de fixe en elle que notre volonté, puisque de sa nature elle participe de la mobilité même du temps, qu’elle tient d’ailleurs de cette mobilité vivante son immense pouvoir d’émotion.

Le vers libre a cette supériorité, par son principe comme par ses moyens, sur les anciennes formes de ne rien laisser perdre de cette émotion dans son jaillissement naturel.

Cliché X.— Alors mettons que le vers libre ne soit ni vers ni prose, mais tout à fait indépendant ou tenant des deux, un moyen nouveau, spécial, d’expression lyrique. Cela ne détruit pas la raison d’être du poème en vers classiques, d’un côté, et du morceau de prose, de l’autre. Cela favoriserait même notre penchant vers chacune de ces formes nettement délimitées.

Réponse. — Il faudrait d’abord prouver, dans le cas d’indépendance, que le vers libre ne se sert des éléments ni de l’un ni de l’autre ; ou que les éléments métriques et rythmiques du langage peuvent être d’une nature en prose et d’une autre