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notes

particulier de l’Eunuque ; voir Meinsma, Spinoza en Zijn Kring, p. 135) emprunte volontiers au comique latin non seulement des tournures de phrase, mais des exemples des passions humaines.


Proposition XVIII. — Si, en vertu de la Proposition 7 (voir la note plus haut), il est permis et même nécessaire d’user dans nos rapports avec les autres hommes de moyens d’action non proprement rationnels, il y a avantage, suivant la Proposition 17, à leur donner plutôt des sujets de joie que des sujets de tristesse ; il faut se rendre aimable, si l’on veut être utile aux autres ; inspirer la confiance en soi et dans la nature humaine en général, faire connaître au malheureux esclave la vertu libératrice qui est à lui. Spinoza observe partout cette règle dans ses ouvrages et dans sa vie. À l’égard seulement de la foule il est indispensable d’user de moyens d’intimidation, parce que la foule est une bête féroce (Scolie de la Prop. 54). Vis-à-vis de soi-même, on emploiera la douceur (Scolie de la Prop. 10, Partie V) et on cherchera en soi des motifs de joie.


Scolie de la Proposition XVIII. — a) Ce Scolie résume les dix-neuf propositions qui suivent, c’est-à-dire les principes de la morale utilitaire dont la connaissance est possible, sinon la pratique, avant l’affranchissement de l’âme.

b) Page 460, lignes 22 et 23, les mots immoralité et moralité correspondent à impietas et pietas. Je n’ai pas voulu me servir d’impiété et de piété, à cause du sens religieux que leur attribue naturellement un lecteur français. Ce que Spinoza appelle pietas (Scolie 1 de la Prop. 37) est le désir de faire du bien qui tire son origine de ce que nous vivons sous la conduite de la raison. C’est aux hommes que se rapporte la pietas, laquelle se distingue de la religio (même Scolie), On peut voir encore à ce sujet le Scolie de la Proposition 4, Partie V, et le chapitre 25 de l’Appendice, Partie IV ; le désir de diriger ou de régler la conduite des autres hommes est de l’ambition chez celui qui n’est pas raisonnable et devient de la pietas chez celui qui est guidé par la raison. Si l’on tenait à garder en français le mot de piété, il faudrait, pour écarter les malentendus, ajouter piété humaine. Le sentiment moral étant essentiellement, dans la langue philosophique, le sentiment de ce qui est dû à l’homme en tant qu’homme, j’ai cru pouvoir rendre pietas par moralité. Baensch traduit Pflichtgefühl sentiment du devoir ; je crois qu’il est préférable de ne pas user de ce terme trop Kantien. Dans le présent passage ce qui est affirmé par Spinoza, c’est la possibilité de fonder la morale sur la recherche de l’utile propre ou l’intérêt bien entendu. Je ne veux pas discuter ici les conclusions de mon maître Brochard,