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votre orgueil ou de votre pitié le salut de cette touchante victime. Mais pourquoi me diront les Philosophes de ce tems, pourquoi votre cœur déjà ne s’est-il pas autant attendri sur le sort de tant d’infortunées que le cours de la révolution a vu périr ? seriez-vous du nombre de ceux qui plaignent un Roi plus qu’un autre homme ? oui je suis de ce nombre, mais ce n’est point par la superstition de la Royauté, c’est par le culte sacré du malheur, je sçais que la douleur est une sensation relative, quelle se compose des habitudes, des souvenirs, des contrastes, du caractère enfin, résultat de ces diverses circonstances ; et quand la plus heureuse tombe dans l’infortune, quand une Princesse illustre est livrée à l’outrage, je mesure la chute, et souffre de chaque degré. Enfin la Reine seroit coupable, l’Univers entier ne s’intéresseroit pas à sa destinée qu’après l’année quelle vient de vivre, nul homme, nulle association d’hommes n’a le droit de lui donner la mort ; cette longue suite de souffrances pénétre d’un sombre respect, elle devoit périr mille fois sous tant de coups redoublés, la nature, le Ciel en la sauvant vous l’ont déclaré sacrée ! depuis un an que le secret le plus impénétrable entoure sa prison, on a dérobé tous les détails de ses