Page:Stace, Martial - Œuvres complètes, Nisard.djvu/351

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NOTICE SUR MARTIAL.


Marcus Valérius Martial était Espagnol, de la ville de Bilbilis, qu’on dit avoir été peu éloignée de celle de Calatayud en Aragon. Il naquit sous le règne de l’empereur Claude, vers l’an 43 de l’ère chrétienne, comme on peut le conjecturer d’après quelques circonstances de sa vie. Les prénoms de Marcus et de Valérius qui, dans tous les manuscrits, précèdent le nom de Martial, les avait-il pris par caprice ou reçus de ses parents ? C’est ce qu’il n’est guère possible et peut-être guère utile d’éclaircir. Seulement il paraît certain qu’il ne les porta qu’à Rome où il jouissait des droits de citoyen romain, non par concession, mais de naissance : car s’il eût été fait citoyen romain, il n’eût pas manqué de louer dans ses vers le patron auquel il aurait dû ce titre. Cette circonstance autorise à penser qu’il se donna lui-même ses deux prénoms, et peut-être son nom, pour avoir, comme tous les Romains, un prénom, un nom et un surnom. Il s’appela Marcus, et probablement Martial, parce qu’il était né dans le mois de Mars ; Valérius, soit du nom de quelqu’un de ses Mécènes, soit du nom de Valérius Flaccus, son ami, soit peut-être en mémoire de Catulle, qu’il imita, et qui se nommait lui-même Valérius.

Un passage de Lampridius, dans la vie d’Alexandre-Sévère, a fait ajouter à tous les noms de Martial celui de Coquus[1]. Sur cette autorité, beaucoup de commentateurs ou de biographes de Martial l’ont appelé Martial Coquus, les uns pensant qu’il devait ce dernier nom à ses vers sur les mets en usage chez les Romains ; les autres, à ce qu’il aurait été cuisinier avant d’être poète ; quelques-uns, qu’il le tenait soit de sa famille, soit de son père, à titre de sobriquet, parce que celui-ci aurait été cuisinier de profession. Les plus judicieux, à notre sens, sont ceux qui ont élevé des doutes sur l’intégrité du passage de Lampridius, et qui se sont démandé s’il ne fallait pas lire quoque au lieu de Coqui. La construction de la phrase, où quoque est appelé naturellement par l’ordre des mots, autoriserait cette conjecture[2], à laquelle nous sommes disposés à nous ranger.

Martial eut pour femme Clodia Marcella, Espagnole, comme il nous l’apprend, née aussi à Bilbilis, cette ville dont il parle avec affection, et qu’il appelle tour à tour la haute Bilbilis ; Bilbilis, fameuse par ses coursiers et ses armes ; Bilbilis, si fière de son or et de son fer. Bilbilis était une colonie fondée par Auguste. De là le nom d’Augusta que lui donne Martial[3], et qu’on lit sur une monnaie d’airain, à l’effigie de l’empereur Tibère.

Martial vint à Rome à l’âge de vingt et un ans sous le règne de Néron. Il y passa trente-cinq ans de sa vie, et il en sortit à l’âge de cinquante-six ans, après avoir traversé les règnes de Néron, Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus, Domitien, Nerva et Trajan. C’est pour avoir été négligé par ce prince, qu’il s’exila de Rome et revint dans sa patrie, où il mourut vers l’an 105 de notre ère, la quatrième ou cinquième année du règne de Trajan. Il avait été en grande faveur auprès de Domitien et de Titus, et en avait reçu des honneurs et des présents, entre autres le droit de trois enfants, que l’empereur seul avait pouvoir de conférer, et qui ne s’accordait qu’à des gens en crédit. On sait qu’entre autres privilèges attachés à ce droit, le titulaire avait une place à part au théâtre et dans les jeux publics, et qu’il obtenait pour ses enfants des dispenses d’âge dans la poursuite des emplois[4].

Martial fut aussi nommé tribun. C’était une place honorifique accordée par la faveur du prince à des gens qui n’avaient jamais vu les camps ; cette place conférait les mêmes privilèges que le véritable tribunat militaire, l’une des plus hautes fonctions de l’armée. Tribun honoraire, notre poète fut créé bientôt après chevalier honoraire, c’est-à-dire sans payer le cens équestre, et avec place sur les quatorze gradins d’où certains gardiens chassaient impitoyablement tous ceux qui s’y introduisaient sans en avoir le droit. Enfin Domitien lui fit don d’une maison de ville et d’une maison des champs tout près de Rome, ce qui faisait, dit-il, crever l’Envie de dépit.

Martial eut pour amis les plus illustres de ses contemporains : Quintilien, Juvénal, Valérius Flaccus, Silius, pour ne parler que des auteurs. Il les a loués dans plusieurs endroits de ses livres. On s’est étonné de n’y pas trouver le nom de Stace, qui vivait à la même époque, avait les mêmes amis, et traita souvent les mêmes sujets. A quoi attribuer cette omission ? N’y aurait-il eu entre eux aucune relation particulière ? ou bien quelque rivalité secrète les aurait-elle séparés ? Serait-ce que Martial aurait trop loué, au gré de Stace, soit Silius Italiens, qu’il qualifie d’immortel, et dont il met le nom à côté de ceux de Virgile et de Cicéron[5], soit Lucain, auquel il décerne la seconde lyre romaine[6], c’est-à-dire le premier rang après Virgile ? Serait-ce, plutôt, que Stace, ce poète improvisateur, comme nous l’apprennent les préfaces de ses Silves, aurait donné quel-

  1. Voici ce passage : Ut « Marlialis Coqui, inqull, epigramma significat, quod contra qQiimdam Gelliam, scripsit hujusinodi : Quum leporem mitlis… »
  2. Voici la phrase restaurée : « Idcirco quod multi septem diebus pulchroses.se dicunt eos qui leporem coinederint, ut Marlialis quoque epigramma signilical. » Rion n’est plus latin que quoque à cet endroit.
  3. Liv. x, 103.
  4. Liv. ix, 98.
  5. Liv. vii, 63.
  6. Liv. vii, 23.