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UNE RENCONTRE.

comme s’il eût tout d’un coup compris quelque chose à une énigme.

Le cœur de Maroussia se serra terriblement. Elle eut le vertige. Mais il fallait être — comme lui.

Elle s’efforça de paraître calme, et demanda à son tour, d’une voix un peu tremblante, il est vrai, mais le sourire aux lèvres :

« Et vous, avez-vous votre père et votre mère ? Avez-vous beaucoup de parents ? Vous avez des enfants peut-être ? Avez-vous des filles ou des fils ? »

Était-ce cette petite voix enfantine, tremblante et timide, ou tout simplement cette question qui réveilla le souvenir des joies et des tristesses du passé profondément refoulées et, pour ainsi dire, enterrées dans le cœur de ce militaire ? Quoi qu’il en soit, la figure rude et implacable qui avait fait tant peur à Maroussia se transforma soudainement, et on put y voir tout à coup comme un reflet de tous les sentiments tendres que peut contenir le cœur d’un mortel.

À coup sûr c’était un homme fort, mais ce souvenir du passé le secouait.

Ces yeux, tout à l’heure méfiants et scrutateurs, s’étaient instantanément adoucis. Ils regardaient maintenant Maroussia avec une émotion étrange. Retrouvait-il dans les traits de la petite fille une ressemblance quelconque avec un petit être qui n’était pas là, qui était bien loin peut-être, mais dont la pensée seule suffisait à l’attendrir ?