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Page:Stahl - Maroussia, 1878.djvu/316

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MAROUSSIA.

le tombeau de la petite fille. Il est couvert d’un splendide tapis de verdure, toujours parsemé de fleurs admirables et odorantes qui ne poussent que là, qu’on n’a jamais vues et qu’on ne verra jamais ailleurs. Ces fleurs sont si belles qu’on dirait des regards d’enfant. Quand on les transplante, elles refusent de pousser, elles meurent sur pied. On a essayé d’en semer dans d’autres terres, elles n’y lèvent même pas. On leur a donné un nom, le seul qui pût leur convenir, on les appelle des Maroussia.

On raconte, dans les veillées, qu’un Cosaque, fameux par son courage, son intelligence, sa beauté et sa bonté, et plus encore par son amour pour son pays, a élevé, à lui tout seul, cette grande colline.

Il n’avait qu’un bras, ayant perdu l’autre dans le dernier combat livré pour l’indépendance de l’Ukraine, et, avec l’unique main qui lui restait, portant la terre poignée par poignée, il a édifié cette montagne. Il y avait employé des années et puis des années. Jeune encore il avait commencé, sa barbe et ses cheveux avaient blanchi quand il l’acheva. Cependant quelques-uns disent qu’un petit garçon, nommé Tarass, l’avait tant, tant prié, qu’il avait accepté son aide et qu’à la longue ce garçon avait, lui aussi, vieilli à ce métier. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, lorsque le kourgane fut aussi haut qu’un clocher et que la croix fut posée, le Cosaque s’assit au pied et y pleura jusqu’à sa mort. Avant ce jour, personne n’avait vu un