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LA PETITE MAROUSSIA.

pied d’un arbre énorme dont les branches se baignent dans le courant de la rivière, il a aperçu un bateau ; — un bateau, c’est son affaire ; la rivière, c’est partout le chemin qui ne trahit pas ; il va franchir la haie qui l’en sépare. Tout à coup, deux petites mains s’emparent de son bras, — et tout bas une voix lui dit : « Non, non, pas cela, — pas le bateau ! La rivière est un miroir sur lequel même de très-loin on voit tout. »

Bien sûr il fut très-étonné, plus étonné que s’il se fût trouvé inopinément entouré de dix soldats armés jusqu’aux dents, mais il n’en laissa rien paraître. On voyait que c’était un homme habitué dès longtemps à tous les genres de surprises.

Il regarda et reconnut la petite fille.

« Que fais-tu là, ma fillette ? » lui demanda-t-il, souriant à l’enfant, comme s’il l’eût rencontrée à la promenade dans les circonstances les plus favorables à une conversation amicale. Mais il se passa quelques secondes avant que Maroussia, essoufflée et très-émue, pût ajouter quoi que ce soit aux paroles qu’elle lui avait tout d’abord adressées.

L’homme posa alors sa main sur la tête de l’enfant et la laissa caressante sur ses cheveux comme pour lui dire : « Remets-toi, mon petit enfant. » Il était, lui, la force, l’adresse, l’intrépidité, la vaillance ; mais, dans ce moment, en face de cet oiseau palpitant, un divin rayon de bonté attendrie effaça tout,