Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/211

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divulgué le secret confié ; mais elle déclara de nouveau que, s’il n’y avait pas dans l’intérieur du couvent deux femmes dévouées aux intérêts de l’abbesse et sachant tout, elle ne pouvait se mêler de rien. (Sans doute elle songeait à l’accusation d’infanticide.) Après y avoir beaucoup réfléchi, l’abbesse résolut de confier ce terrible secret à madame Victoire, prieure du couvent, de la noble famille des ducs de C…, et à madame Bernarde, fille du marquis P… Elle leur fit jurer sur leurs bréviaires de ne jamais dire un mot, même au tribunal de la pénitence, de ce qu’elle allait leur confier. Ces dames restèrent glacées de terreur. Elles avouent, dans leurs interrogatoires, que, préoccupées du caractère si altier de leur abbesse, elles s’attendirent à l’aveu de quelque meurtre. L’abbesse leur dit d’un air simple et froid :

— J’ai manqué à tous mes devoirs, je suis enceinte.

Madame Victoire, la prieure, profondément émue et troublée par l’amitié qui, depuis tant d’années, l’unissait à Hélène, et non poussée par une vaine curiosité, s’écria les larmes aux yeux :

— Quel est donc l’imprudent qui a commis ce crime ?

— Je ne l’ai pas dit même à mon confesseur ; jugez si je veux le dire à vous !