Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/307

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reusement, mais aussi il était capable, deux ou trois mois après une offense à lui faite, d’expédier un de ses sicaires pour tuer la personne qui l’avait offensé.

La seule action vertueuse qu’il ait faite pendant toute sa longue vie, a été de bâtir, dans la cour de son vaste palais près du Tibre, une église dédiée à saint Thomas, et encore il fut poussé à cette belle action par le désir singulier d’avoir sous ses yeux les tombeaux de tous ses enfants[1], pour lesquels il eut une haine excessive et contre nature, même dès leur plus tendre jeunesse, quand ils ne pouvaient encore l’avoir offensé en rien.

C’est là que je veux les mettre tous, disait-il souvent avec un rire amer aux ouvriers qu’il employait à construire son église. Il envoya les trois aînés, Jacques, Christophe et Roch, étudier à l’université de Salamanque en Espagne. Une fois qu’ils furent dans ce pays lointain, il prit un malin plaisir à ne leur faire passer aucune remise d’argent, de façon que ces malheureux jeunes gens, après avoir adressé à leur père nombre de lettres, qui toutes restèrent sans réponse, furent réduits à la misérable nécessité de revenir dans leur patrie en empruntant de petites sommes d’argent

  1. À Rome on enterre sous les églises.