Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/325

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elle était d’une taille tellement forte, qu’elle ne put supporter la question de la corde ; elle dit tout ce qu’elle savait.

Mais il n’en fut pas de même de Béatrix Cenci, jeune fille pleine de vivacité et de courage. Les bonnes paroles ni les menaces du juge Moscati n’y firent rien. Elle supporta les tourments de la corde sans un moment d’altération et avec un courage parfait. Jamais le juge ne put l’induire à une réponse qui la compromît le moins du monde ; et, bien plus, par sa vivacité pleine d’esprit, elle confondit complètement ce célèbre Ulysse Moscati, juge chargé de l’interroger. Il fut tellement étonné des façons d’agir de cette jeune fille, qu’il crut devoir faire rapport du tout à Sa Sainteté le pape Clément VIII, heureusement régnant.

Sa Sainteté voulut voir les pièces du procès et l’étudier. Elle craignit que le juge Ulysse Moscati, si célèbre pour sa profonde science et la sagacité si supérieure de son esprit, n’eût été vaincu par la beauté de Béatrix et ne la ménageât dans les interrogatoires. Il suivit de là que Sa Sainteté lui ôta la direction de ce procès et la donna à un autre juge plus sévère. En effet, ce barbare eut le courage de tourmenter sans pitié un si beau corps ad torturam capillorum (c’est-à-dire qu’on donna la ques-