Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/329

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avocats rejetaient tout le crime sur Béatrix. Comme il était prouvé dans le procès que plusieurs fois son père avait employé la force dans un dessein criminel, les avocats espéraient que le meurtre lui serait pardonné, à elle, comme se trouvant dans le cas de légitime défense ; s’il en était ainsi, l’auteur principal du crime obtenant la vie, comment ses frères, qui avaient été séduits par elle, pouvaient-ils être punis de mort ?

Après cette nuit donnée à ses devoirs de juge, Clément VIII ordonna que les accusés fussent reconduits en prison, et mis au secret. Cette circonstance donna de grandes espérances à Rome, qui dans toute cette cause ne voyait que Béatrix. Il était avéré qu’elle avait aimé monsignor Guerra, mais n’avait jamais transgressé les règles de la vertu la plus sévère : on ne pouvait donc, en véritable justice, lui imputer les crimes d’un monstre, et on la punirait parce qu’elle avait usé du droit de se défendre ! qu’eût-on fait si elle eût consenti ? Fallait-il que la justice humaine vînt augmenter l’infortune d’une créature si aimable, si digne de pitié et déjà si malheureuse ? Après une vie si triste qui avait accumulé sur elle tous les genres de malheurs avant qu’elle eût seize ans, n’avait-elle pas droit enfin à quelques