Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/68

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

il n’était pas rare de voir certains de leurs exploits punir les iniquités des gouverneurs de petites villes. Ces gouverneurs, magistrats absolus dont la paye ne s’élève pas à plus de vingt écus par mois, sont naturellement aux ordres de la famille la plus considérable du pays, qui, par ce moyen bien simple, opprime ses ennemis. Si les brigands ne réussissaient pas toujours à punir ces petits gouverneurs despotes, du moins ils se moquaient d’eux et les bravaient, ce qui n’est pas peu de chose aux yeux de ce peuple spirituel. Un sonnet satirique le console de tous ses maux, et jamais il n’oublia une offense. Voilà une autre des différences capitales entre l’Italien et le Français.

Au seizième siècle, le gouverneur d’un bourg avait-il condamné à mort un pauvre habitant en butte à la haine de la famille prépondérante, souvent on voyait les brigands attaquer la prison et essayer de délivrer l’opprimé. De son côté, la famille puissante, ne se fiant pas trop aux huit ou dix soldats du gouvernement chargés de garder la prison, levait à ses frais une troupe de soldats temporaires. Ceux-ci, qu’on appelait des bravi, bivaquaient dans les alentours de la prison, et se chargeaient d’escorter jusqu’au lieu du supplice le pauvre diable dont la mort