Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/62

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est rachetée par quelque force dans la pensée ; mais ici c'est l'énergie de la fa­deur.

Voici, mon cher Mounier, quelles sont les plus belles productions de nos contem­porains, heureux encore s'ils se contentaient de faire des ouvrages ridicules. Pour moi, indigné de leur sotte bêtise et de leur basse lâcheté, je tâche de m'isoler le plus possible; je travaille beaucoup l'anglais et je relis sans cesse Virgile et Jean-Jacques. Je compte être bientôt débarrassé de mon uniforme et pouvoir me fixer à Paris. Ce n'est pas que cette ville me plaise beaucoup plus qu'une autre ; mais dans l'impossibilité d'être où je voudrais passer ma vie, c'est celle qui m'offre le plus de moyens pour continuer mon éducation.

Peut-être un jour viendra que je pour­rai habiter le seul pays où le bouheur existe pour moi ; en attendant, cher ami, écrivez-moi souvent ; les bons cœurs sont si rares qu'ils ne sauraient trop se rapprocherl.

Faites, je vous prie, accepter l'hommage de mon respect à monsieur votre père, ainsi qu'à Mlle Victorine, et dites-moi si

1. Sur le brouillon conservé à la bibliothèque de Gre­noble, Beyle ajoutait ici : « Combien ne doit-on pas encore plus se réjouir lorsqu'on trouve réunis bon cœur et bonne tête. »