Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/80

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de Mme B. ; des gens qui valaient beau­coup mieux que moi ont été refusés ; je me dis ça à tout moment pour tâcher de me rendre fier, mais en vérité ces jouis­sances d'amour-propre sont bien courtes. Je jouis un instant lorsque, penché sur les bras de sa bergère, je la fais sourire, ou lorsque je fais un petit homme avec le bout de son mouchoir ; mais lorsque mon orgueil veut me féliciter de la différence de mes succès cette année et l'année der­nière, je deviens rêveur, je me rappelle le charmant sourire de celle que j'aime encore, malgré moi ; je sens des larmes errer dans mes yeux à la pensée que je ne la reverrai jamais ; — mais convenez que je suis bien sot ; ne me revoilà-t-il pas dans mes anciennes lubies. Mais cette fille, que m'a-t-elle fait après tout, pour être tant aimée ? elle me souriait un jour, pour avoir le plaisir de me fuir le lende­main ; elle n'a jamais voulu permettre que je lui dise un mot ; une seule fois j'ai voulu lui écrire, elle a rejeté ma lettre avec mépris ; enfin, de cet amour si violent, il ne me reste pour gage qu'un morceau de gant. Convenez, cher Mounier, que mes amis ont raison, et que, pour un officier de dragons, je joue là un brillant rôle. Encore si elle m'eût aimé ; mais la cruelle s'est toujours fait un jeu de me tourmen-