Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/117

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dégoûter du boston ? Quand nous autres nous revenons d’Amérique, ou des Grandes Indes avec un teint basané et un ton qui reste un peu grossier pendant six mois, comment pourraient-ils répondre à nos récits, s’ils n’avaient cette phrase : « Quant à nous, les femmes sont de notre côté. — Pendant que vous étiez à New-York, la couleur des tilburys a changé ; c’est le tête-de-nègre qui est de mode aujourd’hui. » Et nous écoutons avec attention, car ce savoir-là est utile. Telle jolie femme ne nous regardera pas, si notre calèche est de mauvais goût.

Ces mêmes sots se croyant obligés, en vertu de la prééminence de leur sexe, à savoir plus que les femmes, seraient ruinés de fond en comble, si les femmes s’avisaient d’apprendre quelque chose. Un sot de trente ans se dit, en voyant au château d’un de ses amis des jeunes filles de douze : « C’est auprès d’elles que je passerai ma vie dans dix ans d’ici. » Qu’on juge de ses exclamations et de son effroi, s’il les voyait étudier quelque chose d’utile.

Au lieu de la société et de la conversation des hommes-femmes, une femme instruite, si elle a acquis des idées, sans perdre les grâces de son sexe, est sûre de trouver parmi les hommes les plus distingués