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L’amour à la don Juan est un sentiment dans le genre du goût pour la chasse. C’est un besoin d’activité qui doit être réveillé par des objets divers et mettant sans cesse en doute votre talent.

L’amour à la Werther est comme le sentiment d’un écolier qui fait une tragédie et mille fois mieux ; c’est un but nouveau dans la vie auquel tout se rapporte, et qui change la face de tout. L’amour-passion jette aux yeux d’un homme toute la nature avec ses aspects sublimes, comme une nouveauté inventée d’hier. Il s’étonne de n’avoir jamais vu le spectacle singulier qui se découvre à son âme. Tout est neuf, tout est vivant, tout respire l’intérêt le plus passionné[1]. Un amant voit la femme qu’il aime dans la ligne d’horizon de tous les paysages qu’il rencontre, et faisant cent lieues pour aller l’entrevoir un instant, chaque arbre, chaque rocher lui parle d’elle d’une manière différente, et lui en apprend quelque chose de nouveau. Au lieu du fracas de ce spectacle magique, don Juan a besoin que les objets extérieurs qui n’ont de prix pour lui que par leur degré d’utilité, lui soient rendus piquants par quelque intrigue nouvelle.

L’amour à la Werther a de singuliers

  1. Vol. 1819. Les chèvrefeuilles à la descente