manière d’être dans le monde[1]. Oldofredi est aimable, d’accord, mais ce n’est qu’un pauvre étranger. — N’importe, dit madame Gherardi, je parierais que nous venons de le trouver dans un moment où les raisons pour espérer l’emportaient. — Mais, dis-je, il avait l’air trop profondément troublé ; il doit avoir des moments de malheur affreux ; il se dit : « Mais, est-ce qu’elle m’aime ? » — J’avoue, reprit madame Gherardi, oubliant presque qu’elle me parlait, que, quand la réponse qu’on se fait a soi-même est satisfaisante, il y a des moments de bonheur divin et tels que peut-être rien au monde ne peut leur être comparé. C’est là sans doute ce qu’il y a de mieux dans la vie.
« Quand, enfin, l’âme, fatiguée et comme accablée de sentiments si violents, revient à la raison par lassitude, ce qui surnage après tant de mouvements si opposés, c’est cette certitude : « Je trouverai auprès de lui un bonheur que lui seul au monde peut me donner. » Je laissai peu à peu mon cheval s’éloigner de celui de madame Gherardi. Nous fîmes les trois milles qui nous séparaient de Bologne sans dire une seule parole, pratiquant la vertu nommée discrétion.
- ↑ Tout est opposé entre la France et l’Italie. Par exemple, les richesses, la haute naissance, l’éducation parfaite, disposent à l’amour au delà des Alpes, et en éloignent en France.