Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/35

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osent bien parler de délicatesse féminine, et mépriser l’Espagne et l’Italie.

Rien de plus désoccupé au contraire que les jeunes Italiens ; le mouvement qui leur ôterait leur sensibilité leur est importun. Ils font de temps à autre une promenade de demi-lieue comme remède pénible pour la santé ; quant aux femmes, une Romaine ne fait pas en toute l’année les courses d’une jeune miss en une semaine.

Il me semble que l’orgueil d’un mari anglais exalte très adroitement la vanité de sa pauvre femme. Il lui persuade surtout qu’il ne faut pas être vulgaire, et les mères qui préparent leurs filles pour trouver des maris ont fort bien saisi cette idée. De là la mode bien plus absurde et bien plus despotique dans la raisonnable Angleterre qu’au sein de la France légère ; c’est dans Bon-street qu’a été inventé le carefully careless. En Angleterre la mode est un devoir, à Paris c’est un plaisir. La mode élève un bien autre mur d’airain à Londres entre New-Bond-street et Fenchurch-street, qu’à Paris entre la Chaussée d’Antin et la rue Saint-Martin. Les maris permettent volontiers cette folie aristocratique à leurs femmes en dédommagement de la masse énorme de tristesse qu’ils leur imposent. Je trouve bien l’image de la société des femmes en Angleterre, telle que l’a faite le