Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/350

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lorsqu’elle en sortit ; il méditait sur un sujet peu amusant pour un homme qui commence à être amoureux : il avait trente-cinq ans et un commencement de rareté dans les cheveux, qui pouvait bien lui faire un beau front à la manière du Dr Gall, mais qui certainement ajoutait encore trois ou quatre ans à son âge. Si ma vieillesse n’a pas tout perdu à la première vue, se dit-il, il faut qu’elle doute de mon cœur pour oublier mon âge. »

Il se rapprocha d’une petite fenêtre gothique qui donnait sur la place, il vit Ernestine monter en voiture, il lui trouva une taille et un pied charmants, elle distribua des aumônes ; il lui sembla que ses yeux cherchaient quelqu’un. « Pourquoi, se dit-il, ses yeux regardent-ils au loin, pendant qu’elle distribue de la petite monnaie tout près de la voiture ? Lui aurais-je inspiré de l’intérêt ? »

Il vit Ernestine donner une commission à un laquais ; pendant ce temps il s’enivrait de sa beauté. Il la vit rougir, ses yeux étaient fort près d’elle : la voiture ne se trouvait pas à dix pas de la petite fenêtre gothique ; il vit le domestique rentrer dans l’église et chercher quelque chose dans le banc du seigneur. Pendant l’absence du domestique, il eut la certitude que les yeux d’Ernestine regardaient bien plus