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DE L’AMOUR

sauvage indien, colonel dans les milices suédoises à dix-huit ans, et que cet homme est fou d’elle.

Elle commence par le signifier à sa mère, le jour de son arrivée. Sa mère, suivant elle, est coupable de l’avoir mariée avec un homme qu’elle n’aimait pas ; elle doit actuellement favoriser de tous ses moyens son amour pour l’homme qu’elle a choisi et qu’elle adore ; il faut donc qu’elle persuade au mari d’établir en quelque sorte Weilberg dans sa maison. Si elle ne l’a pas sans cesse chez elle, elle menace de l’aller trouver chez lui à son hôtel.

La mère, comme une bête, crut cela, et elle fit si bien auprès de son gendre, que Weilberg ne pouvait avoir d’autre maison que la sienne. Charles le priait sans cesse, la mère aussi lui faisait tant de politesses et lui montrait tant d’empressement, que le pauvre jeune homme, ne sachant ce qu’on voulait de lui, et craignant à l’excès de manquer à des gens qui l’avaient parfaitement accueilli, n’osait se refuser à rien.

Les femmes pleurent à volonté, comme vous savez.

Un jour que j’étais seul chez Félicie, elle se prit à pleurer, et, me serrant la main, elle me dit « Ah ! mon cher Goncelin, votre amitié clairvoyante a bien deviné