Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

caporal et Fabrice. Quand on fut à un quart de lieue de la grande route :

— Je n’en puis plus, dit un des soldats.

— Et moi itou, dit un autre.

— Belle nouvelle ! Nous en sommes tous logés là, dit le caporal ; mais obéissez-moi, et vous vous en trouverez bien. Il vit cinq ou six arbres le long d’un petit fossé au milieu d’une immense pièce de blé. Aux arbres ! dit-il à ses hommes couchez-vous là, ajouta-t-il quand on y fut arrivé, et surtout pas de bruit. Mais, avant de s’endormir, qui est-ce qui a du pain ?

— Moi, dit un des soldats.

— Donne, dit le caporal, d’un air magistral ; il divisa le pain en cinq morceaux et prit le plus petit.

— Un quart d’heure avant le point du jour, dit-il en mangeant, vous allez avoir sur le dos la cavalerie ennemie. Il s’agit de ne pas se laisser sabrer. Un seul est flambé, avec de la cavalerie sur le dos, dans ces grandes plaines, cinq au contraire peuvent se sauver : restez avec moi bien unis, ne tirez qu’à bout portant, et demain soir je me fais fort de vous rendre à Charleroi. Le caporal les éveilla une heure avant le jour ; il leur fit renouveler la charge de leurs armes, le tapage sur la grande route continuait, et avait duré toute la nuit : c’était comme le bruit