Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/204

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descendre dans la loge où il voyait la comtesse ; tout à coup il ne se sentit presque plus d’envie de s’y présenter. Ah ! voici qui est charmant, s’écria-t-il en riant de soi-même, et s’arrêtant sur l’escalier ; c’est un mouvement de timidité véritable ! voilà bien vingt-cinq ans que pareille aventure ne m’est arrivée.

Il entra dans la loge en faisant presque effort sur lui-même ; et, profitant en homme d’esprit de l’accident qui lui arrivait, il ne chercha point du tout à montrer de l’aisance ou à faire de l’esprit en se jetant dans quelque récit plaisant ; il eut le courage d’être timide, il employa son esprit à laisser entrevoir son trouble sans être ridicule. Si elle prend la chose de travers, se disait-il, je me perds à jamais. Quoi ! timide avec des cheveux couverts de poudre, et qui sans le secours de la poudre paraîtraient gris ! Mais enfin la chose est vraie, donc elle ne peut être ridicule que si je l’exagère ou si j’en fais trophée. La comtesse s’était si souvent ennuyée au château de Grianta, vis-à-vis des figures poudrées de son frère, de son neveu et de quelques ennuyeux bien pensants du voisinage, qu’elle ne songea pas à s’occuper de la coiffure de son nouvel adorateur.

L’esprit de la comtesse ayant un bou-