Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/250

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l’on eut retrouvé la force de parler, la grande préoccupation de toutes les personnes présentes fut de décider cette importante question : La duchesse avait-elle été avertie de cette visite, ou bien a-t-elle été surprise comme tout le monde ?

Le prince s’amusa, et l’on va juger du caractère tout de premier mouvement de la duchesse, et du pouvoir infini que les idées vagues de départ adroitement jetées lui avaient laissé prendre.

En reconduisant le prince qui lui adressait des mots fort aimables, il lui vint une idée singulière et qu’elle osa bien lui dire tout simplement, et comme une chose des plus ordinaires.

— Si Votre Altesse Sérénissime voulait adresser à la princesse trois ou quatre de ces phrases charmantes qu’elle me prodigue, elle ferait mon bonheur bien plus sûrement qu’en me disant ici que je suis jolie. C’est que je ne voudrais pas pour tout au monde que la princesse pût voir de mauvais œil l’insigne marque de faveur dont Votre Altesse vient de m’honorer. Le prince la regarda fixement et répliqua d’un air sec :

— Apparemment que je suis le maître d’aller où il me plaît.

La duchesse rougit.

— Je voulais seulement, reprit-elle à