Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/284

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mais c’est bien de la peine ! Resterait un petit amour de bas étage à Parme, ce qui peut déplaire ; mais tout est préférable au rôle affreux de l’homme qui ne veut pas deviner. Ce dernier parti pourrait, il est vrai, compromettre mon avenir ; il faudrait, à force de prudence et en achetant la discrétion, diminuer le danger. Ce qu’il y avait de cruel au milieu de toutes ces pensées, c’est que réellement Fabrice aimait la duchesse de bien loin plus qu’aucun être au monde. Il faut être bien maladroit, se disait-il avec colère, pour tant redouter de ne pouvoir persuader ce qui est si vrai ! Manquant d’habileté pour se tirer de cette position, il devint sombre et chagrin. Que serait-il de moi, grand Dieu si je me brouillais avec le seul être au monde pour qui j’aie un attachement passionné ? D’un autre côté, Fabrice ne pouvait se résoudre à gâter un bonheur si délicieux par un mot indiscret. Sa position était si remplie de charmes ! L’amitié intime d’une femme si aimable et si jolie était si douce ! Sous les rapports plus vulgaires de la vie, sa protection lui faisait une position si agréable à cette cour, dont les grandes intrigues, grâce à elle qui les lui expliquait, l’amusaient comme une comédie ! Mais au premier moment je puis être réveillé par un coup de foudre ! se disait-il.