Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/321

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si jamais tu viens le demander. Je la connais ; après cette recommandation, elle est capable, par économie pour toi, de ne pas acheter de la viande quatre fois par an, si tu ne lui donnes des ordres bien précis. Tu peux toi-même être réduit à la misère, et l’obole du vieil ami te servira. N’attends rien de ton frère que des procédés atroces, et tâche de gagner de l’argent par un travail qui te rende utile à la société. Je prévois des orages étranges ; peut-être dans cinquante ans ne voudra-t-on plus d’oisifs. Ta mère et ta tante peuvent te manquer, tes sœurs devront obéir à leurs maris… Va-t’en, va-t’en ! fuis ! s’écria Blanès avec empressement il venait d’entendre un petit bruit dans l’horloge qui annonçait que dix heures allaient sonner, il ne voulut pas même permettre à Fabrice de l’embrasser une dernière fois.

— Dépêche ! dépêche ! lui cria-t-il ; tu mettras au moins une minute à descendre l’escalier ; prends garde de tomber, ce serait d’un affreux présage. Fabrice se précipita dans l’escalier, et, arrivé sur la place, se mit à courir. Il était à peine arrivé devant le château de son père, que la cloche sonna dix heures ; chaque coup retentissait dans sa poitrine et y portait un trouble singulier. Il s’arrêta pour réfléchir, ou plutôt pour se livrer aux senti-