Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme - T1.djvu/170

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Mon pauvre archevêque est resté stupéfait, et, pour achever de le stupéfier, je lui ai dit d’un air fort sérieux : » Adieu, monseigneur, je prendrai vingt-quatre heures pour réfléchir à votre proposition. « Le pauvre homme a ajouté quelques supplications assez mal tournées et assez inopportunes après le mot adieu prononcé par moi. Maintenant comte Mosca della Rovère, je vous charge de dire à la duchesse que je ne veux pas retarder de vingt-quatre heures une chose qui peut lui être agréable ; asseyez-vous là et écrivez à l’archevêque le billet d’approbation qui termine toute cette affaire. J’ai écrit le billet, il l’a signé, il m’a dit : » Portez-le à l’instant même à la duchesse. « Voici le billet, madame, et c’est ce qui m’a donné un prétexte pour avoir le bonheur de vous revoir ce soir. »

La duchesse lut le billet avec ravissement. Pendant le long récit du comte, Fabrice avait eu le temps de se remettre : il n’eut point l’air étonne de cet incident, il prit la chose en véritable grand seigneur qui naturellement a toujours cru qu’il avait droit à ces avancements extraordinaires, à ces coups de fortune qui mettraient un bourgeois hors des gonds ; il parla de sa reconnaissance, mais en bons termes, et finit par dire au comte :

— Un bon courtisan doit flatter la passion dominante ; hier vous témoigniez la crainte que vos ouvriers de Sanguigna ne volent les fragments de statues antiques qu’ils pourraient découvrir ; j’aime beaucoup les fouilles, moi ; si vous voulez bien le permettre, j’irai voir les ouvriers. Demain soir, après les remerciements convenables au palais et chez l’archevêque, je partirai pour Sanguigna.

— Mais devinez-vous, dit la duchesse au comte, d’où vient cette passion subite du bon archevêque pour Fabrice ?

— Je n’ai pas besoin de deviner ; le grand-vicaire dont le frère est capitaine me disait hier : « Le père Landriani part de ce principe certain, que le titulaire est supérieur au coadjuteur », et il ne se sent pas de joie d’avoir sous ses ordres un del Dongo et de l’avoir obligé. Tout ce qui met en lumière la haute naissance de Fabrice ajoute à son bonheur intime : il a un tel homme pour aide de camp ! En second lieu Mgr Fabrice lui a plu, il ne se sent point timide devant lui ; enfin il nourrit depuis dix ans une haine bien conditionnée pour l’évêque de Plaisance, qui affiche hautement la prétention de lui succéder sur le siège de Parme, et qui de plus est fils d’un meunier. C’est dans ce but de succession future que l’évêque de Plaisance a pris des relations fort étroites avec la marquise Raversi, et maintenant ces liaisons font trembler l’archevêque pour le succès de son dessein favori avoir un del Dongo à son état-major, et lui donner des ordres.

Le surlendemain, de bonne heure, Fabrice dirigeait les travaux de la fouille de Sanguigna, vis-à-vis Colorno (c’est le Versailles