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partie de l’or qu’il avait, dans plusieurs des trous de rats qui ornaient sa chambre de bois. Il faut, ce soir, que je cache ma montre. N’ai-je pas entendu dire qu’avec de la patience et un ressort de montre ébréché on peut couper le bois et même le fer ? Je pourrai donc scier cet abat-jour. Ce travail de cacher la montre, qui dura deux grandes heures, ne lui sembla point long ; il songeait aux différents moyens de parvenir à son but, et à ce qu’il savait faire en travaux de menuiserie. Si je sais m’y prendre, se disait-il, je pourrai couper bien carrément un compartiment de la planche de chêne qui formera l’abat-jour, vers la partie qui reposera sur l’appui de la fenêtre ; j’ôterai et je remettrai ce morceau suivant les circonstances ; je donnerai tout ce que je possède à Grillo afin qu’il veuille bien ne pas s’apercevoir de ce petit manège. Tout le bonheur de Fabrice était désormais attaché à la possibilité d’exécuter ce travail, et il ne songeait à rien autre. Si je parviens seulement à la voir, je suis heureux… Non pas, se dit-il ; il faut aussi qu’elle voie que je la vois. Pendant toute la nuit, il eut la tête remplie d’inventions de menuiserie, et ne songea peut-être pas une seule fois à la cour de Parme, à la colère du prince, etc., etc. Nous avouerons qu’il ne songea pas davantage à la douleur dans laquelle la duchesse devait être plongée. Il attendait avec impatience le lendemain, mais le menuisier ne re-