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entre la duchesse et la porte de son cabinet. Peu après il entendit gratter à cette porte.

— Quel est le jean sucre, s’écria-t-il en jurant de toute la force de ses poumons, quel est le jean sucre qui vient ici m’apporter sa sotte présence ? Le pauvre général Fontana montra sa figure pâle et totalement renversée, et ce fut avec l’air d’un homme à l’agonie qu’il prononça ces mots mal articulés : Son excellence le comte Mosca sollicite l’honneur d’être introduit.

— Qu’il entre ! dit le prince en criant ; et comme Mosca saluait :

— Hé bien ! lui dit-il, voici madame la duchesse Sanseverina qui prétend quitter Parme à l’instant pour aller s’établir à Naples, et qui par-dessus le marché me dit des impertinences.

— Comment ! dit Mosca pâlissant.

— Quoi ! vous ne saviez pas ce projet de départ ?

— Pas la première parole ; j’ai quitté madame à six heures, joyeuse et contente.

Ce mot produisit sur le prince un effet incroyable.

D’abord il regarda Mosca ; sa pâleur croissante lui montra qu’il disait vrai et n’était point complice du coup de tête de la duchesse. En ce cas, se dit-il, je la perds pour toujours ; plaisir et vengeance, tout s’envole en même temps. À Naples, elle fera des épigrammes avec son neveu Fabrice sur la grande colère du petit prince de Parme. Il regarda la duchesse : le plus violent mépris et la