Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 148 —

que Fabrice était en prison sans avoir eu aucune communication quelconque avec le dehors, et pourtant sans se trouver malheureux, Grillo était resté fort tard le matin dans sa chambre ; Fabrice ne savait comment le renvoyer, il était au désespoir ; enfin midi et demi avait déjà sonné lorsqu’il put ouvrir les deux petites trappes d’un pied de haut qu’il avait pratiquées à l’abat-jour fatal.

Clélia était debout à la fenêtre de la volière, les yeux fixés sur celle de Fabrice ; ses traits contractés exprimaient le plus violent désespoir. À peine vit-elle Fabrice, qu’elle lui fit signe que tout était perdu : elle se précipita à son piano et, feignant de chanter un récitatif de l’opéra alors à la mode, elle lui dit en phrases interrompues par le désespoir et par la crainte d’être comprise par les sentinelles qui se promenaient sous la fenêtre :


« Grand Dieu ! vous êtes encore en vie ? Que ma reconnaissance est grande envers le Ciel ! Barbone, ce geôlier dont vous punîtes l’insolence le jour de votre entrée ici, avait disparu, il n’était plus dans la citadelle ; avant-hier soir il est rentré, et depuis hier j’ai lieu de croire qu’il cherche à vous empoisonner. Il vient rôder dans la cuisine particulière du palais qui fournit vos repas. Je ne sais rien de sûr, mais ma femme de chambre croit que cette figure atroce ne vient dans les cuisines du palais que dans le dessein de vous