Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/194

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Cette lettre contenait encore cinq ou six pages de détails ; elle était écrite en caractères microscopiques sur du papier très-fin.

— Tout cela est fort beau et fort bien inventé, se dit Fabrice ; je dois une reconnaissance éternelle au comte et à la duchesse ; ils croiront peut-être que j’ai eu peur, mais je ne me sauverai point. Est-ce que jamais l’on se sauva d’un lieu où l’on est au comble du bonheur, pour aller se jeter dans un exil affreux où tout manquera, jusqu’à l’air pour respirer ? Que ferais-je au bout d’un mois que je serais à Florence ? Je prendrais un déguisement pour venir rôder auprès de la porte de cette forteresse, et tâcher d’épier un regard !

Le lendemain, Fabrice eut peur ; il était à sa fenêtre, vers les onze heures, regardant le magnifique paysage et attendant l’instant heureux où il pourrait voir Clélia, lorsque Grillo entra hors d’haleine dans sa chambre :

— Et vite ! vite ! monseigneur, jetez-vous sur votre lit, faites semblant d’être malade ; voici trois juges qui montent ! Ils vont vous interroger ; réfléchissez bien avant de parler ; ils viennent pour vous entortiller.

En disant ces paroles Grillo se hâtait de fermer la petite trappe de l’abat-jour, poussait Fabrice sur son lit, et jetait sur lui deux ou trois manteaux.

— Dites que vous souffrez beaucoup et parlez