Page:Stendhal - La chartreuse de Parme (Tome 2), 1883.djvu/270

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 266 —

en Suisse, ou à Belgirate en Piémont. L’enveloppe était faite d’un papier grossier, le cachet mal appliqué, l’adresse à peine lisible, et quelquefois ornée de recommandations dignes d’une cuisinière ; toutes les lettres étaient datées de Naples six jours avant la date véritable.

Du village piémontais de Sannazaro, près de Pavie, Ludovic retourna en toute hâte à Parme : il était chargé d’une mission à laquelle Fabrice mettait la plus grande importance ; il ne s’agissait de rien moins que de faire parvenir à Clélia Conti un mouchoir de soie sur lequel était imprimé un sonnet de Pétrarque. Il est vrai qu’un mot était changé à ce sonnet : Clélia le trouva sur sa table deux jours après avoir reçu les remerciements du marquis Crescenzi, qui se disait le plus heureux des hommes, et il n’est pas besoin de dire quelle impression cette marque d’un souvenir toujours constant produisit sur son cœur.

Ludovic devait chercher à se procurer tous les détails possibles sur ce qui se passait à la citadelle. Ce fut lui qui apprit à Fabrice la triste nouvelle que le mariage du marquis Crescenzi semblait désormais une chose décidée ; il ne se passait presque pas de journée sans qu’il donnât une fête à Clélia dans l’intérieur de la citadelle. Une preuve décisive du mariage, c’est que ce marquis, immensément riche et par conséquent fort avare, comme c’est l’usage parmi les gens opulents du nord de