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avait pour amoureux dans la pièce le comte Baldi, l’ancien ami de la marquise Raversi, qui était présente. Le prince, l’homme le plus timide de ses États, mais fort joli garçon et doué du cœur le plus tendre, étudiait le rôle du comte Baldi, et voulait le jouer à la seconde représentation.

— J’ai bien peu de temps, dit la duchesse au comte, je parais à la première scène du second acte ; passons dans la salle des gardes.

Là, au milieu de vingt gardes-du-corps, tous fort éveillés et fort attentifs aux discours du premier ministre et de la grande-maîtresse, la duchesse dit en riant à son ami :

— Vous me grondez toujours quand je dis des secrets inutilement. C’est par moi que fut appelé au trône Ernest V ; il s’agissait de venger Fabrice, que j’aimais alors bien plus qu’aujourd’hui, quoique toujours fort innocemment. Je sais bien que vous ne croyez guère à cette innocence, mais peu importe, puisque vous m’aimez malgré mes crimes. Eh bien ! voici un crime véritable : j’ai donné tous mes diamants à une espèce de fou fort intéressant, nommé Ferrante Palla, je l’ai même embrassé pour qu’il fît périr l’homme qui voulait faire empoisonner Fabrice. Où est le mal ?

— Ah ! voilà donc où Ferrante avait pris de l’argent pour son émeute ! dit le comte, un peu stupéfait ; et vous me racontez tout cela dans la salle des gardes !