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chesse avec humeur. La duchesse se hâta d’obéir, aussitôt tous les papiers s’enflammèrent à la fois ; il se fit un grand bruit dans la cheminée, et bientôt il fut évident qu’elle avait pris feu.

Le prince avait l’âme petite pour toutes les choses d’argent ; il crut voir son palais en flammes et toutes les richesses qu’il contenait détruites ; il courut à la fenêtre et appela la garde d’une voix toute changée. Les soldats en tumulte étant accourus dans la cour à la voix du prince, il revint près de la cheminée qui attirait l’air de la fenêtre ouverte avec un bruit réellement effrayant ; il s’impatienta, jura, fit deux ou trois tours dans le cabinet comme un homme hors de lui, et, enfin, sortit en courant.

La princesse et sa grande-maîtresse restèrent debout, l’une vis-à-vis de l’autre, et gardant un profond silence.

— La colère va-t-elle recommencer ? se dit la duchesse ; ma foi, mon procès est gagné. Et elle se disposait à être fort impertinente dans ses répliques, quand une pensée l’illumina ; elle vit le second portefeuille intact. Non, mon procès n’est gagné qu’à moitié ! Elle dit à la princesse, d’un air assez froid :

— Madame m’ordonne-t-elle de brûler le reste de ces papiers ?

— Et où les brûlerez-vous ? dit la princesse avec humeur.